En tant qu’employeur suisse d’une personne frontalière, connaissez-vous vos obligations si vous autorisez le télétravail en France afin de n’avoir aucune incidence fiscale ou de sécurité sociale dans ce pays ?  

En bref, si vous employez un collaborateur résidant en France, vous pouvez, à certaines conditions (voir ci-dessous), autoriser le télétravail jusqu’à 40% du temps de travail sans incidence fiscale ou de sécurité sociale pour autant que les formalités nécessaires soient remplies. 

Le non-respect des obligations liées au télétravail des frontaliers résidants en France peut entraîner de lourdes conséquences financières, administratives, et éventuellement des sanctions, pour l’employeur suisse, mais également pour l’employé. Il est donc recommandé de vérifier régulièrement que vous soyez en conformité avec les règles décrites ci-dessous et vos obligations. 

Sur le plan des assurances sociales

Si votre employé frontalier télétravaille plus de 25% de son temps de travail, vous avez jusqu’au 30 juin 2024 pour déposer votre demande de certificat A1 de télétravail via la plateforme ALPS¹ de l’Office fédéral des assurances sociales («OFAS»), accessible en principe par le portail de votre caisse de compensation AVS 

Cela permettra d’obtenir un certificat A1 dont la validité sera rétroactive au 1er juillet 2023. Il restera applicable pour une durée de 3 ans maximum (renouvelable).

Passé cette date, le certificat A1 sera valable rétroactivement pour 3 mois au maximum.

Ce certificat est obligatoire et représente le seul document justifiant du maintien de l’assujettissement à la sécurité sociale en Suisse  alors que l’employé frontalier télétravaille dans son Etat de résidence.

L’absence de certificat A1 peut donc faire basculer l’assujettissement aux assurances sociales de la Suisse vers l’Etat de résidence.

Pour pouvoir continuer à être soumis aux assurances sociales en Suisse, en sus d’avoir un certificat A1 valable, votre employé frontalier doit remplir les conditions cumulatives suivantes² :

  • Être de nationalité suisse ou européenne ;
  • Exercer son activité en télétravail depuis son Etat de résidence, i.e. en France, entre 25% et 49,9% de son temps de travail ;
  • Travailler uniquement pour l’employeur suisse ;
  • Ne pas exercer parallèlement une activité indépendante dans son Etat de résidence ;
  • Ne pas visiter régulièrement des clients dans son Etat de résidence.

Lorsque les conditions susmentionnées ne sont pas remplies, le télétravail transfrontalier devra être inférieur à 25% afin de maintenir l’assujettissement aux assurances sociales en Suisse. Dans ce cas, vous devrez, en principe, demander une détermination de la législation applicable à l’institution de sécurité sociale du pays de résidence de l’employé frontalier.

Lorsque l’institution étrangère aura déterminé que la législation sociale suisse est applicable, elle enverra le dossier de manière électronique à l’OFAS, qui le transmettra au moyen de la plateforme ALPS à la caisse de compensation AVS à laquelle vous êtes affilié.   

La caisse de compensation AVS délivrera alors un certificat A1.

Sur le plan fiscal 

Si vous voulez éviter de devoir prélever l’impôt source français pour votre employé frontalier – ce qui est interdit par le droit suisse actuel – vous devez, depuis le 1er janvier 2023, vous assurer que vos employés frontaliers respectent les trois limites suivantes : 

  • 40% de télétravail en France en moyenne sur l’année du temps de travail global (pour une activité à 100%, cela représente 96 jours incluant les missions temporaires) ; 
  • 10 jours de missions temporaires en France qui doivent être intégrés dans la limite des 40% précitée ;
  • 45 jours de non-retour par an au domicile français qui incluent toutes les missions temporaires dans un État qui n’est pas la France.

Si ces limites sont respectées, l’employé frontalier continuera à être imposé à la source³ en Suisse (ou à être exempté via l’attestation de résidence fiscale par exemple s’il travaille habituellement dans le canton de Vaud, Valais ou Neuchâtel par exemple). 

Même si en matière de sécurité sociale la Suisse et la France ont établi une limite du télétravail à 49,9%, il  est important de respecter la limite de 40% car au-delà de ce seuil, la portion de la rémunération liée à l’activité déployée en France, sera imposable en France (et non en Suisse). Vous serez ainsi tenu de vous assujettir à l’impôt en France, sous risque de sanctions pénales. 

Finalement, lorsqu’un de vos collaborateurs télétravaille en France, cela peut, à certaines conditions, entraîner un risque d’établissement stable dans ce pays notamment si l’employé en question à une fonction dirigeante.   

Sur le plan juridique et contractuel 

Sur le plan juridique et contractuel, nous recommandons de régler, par écrit, les modalités et les divers aspects du télétravail par exemple en concluant une convention de télétravail avec vos collaborateurs ou en prévoyant un règlement de télétravail. Cela permettra en principe d’éviter l’application du droit du travail français à toute la relation contractuelle. 

Il pourra notamment être prévu contractuellement que le télétravail est admis par l’employeur à la demande de l’employé, sous l’entière responsabilité de ce dernier et que cette convention est régie par le droit suisse, en réservant l’application du droit impératif du travail français pour l’activité que l’employé frontalier exerce en France. 

Nous vous recommandons également de mettre en place un système permettant de décompter précisément les jours télétravaillés, afin de pouvoir vous assurer que les limites applicables au télétravail sont bien respectées. 

En effet, jusqu’au 31 décembre 2024, vous devrez pouvoir attester le pourcentage de télétravail octroyé aux employés frontaliers par la production d’un document contractuel écrit. 

Un projet de loi fédérale sur l’imposition du télétravail dans le contexte international, prévoit qu’ à partir du 1er janvier 2025, l’employeur devrait être en mesure d’attester du taux de télétravail accordé (y compris les jours de missions temporaires) pour chaque collaborateur domicilié en France. Si ce projet de loi entre en vigueur, ces données devront être transmises à l’Administration fédérale des contributions au début de chaque année N+1 pour l’année N. La 1ère transmission obligatoire aurait lieu début 2026 (pour l’année 2025). 

¹. Applicable Legislation Portal Switzerland. 

². Selon le nouvel Accord multilatéral en matière de sécurité sociale signé par la Suisse et certains Etats de l’Union Européenne, comme la France, concernant l’application de l’art. 16, para. 1 du Règlement (CE) n° 883/2004 en cas de télétravail transfrontalier habituel, entré en vigueur le 1er juillet 2023 permettant aux travailleurs frontaliers (et à toute personne en situation de télétravail transfrontalier couvert par l’Accord) d’exercer de 25% à 49,9% de leur activité en télétravail depuis leur pays de résidence sans que cela ait d’impact sur leur assujettissement en matière de sécurité sociale, i.e. qu’ils restent assujettis dans l’Etat du siège de l’employeur. 

³. L’employeur doit retenir l’impôt à la source en Suisse sur le revenu de son employé frontalier dans les hypothèses suivantes : 

  • Si la relation de travail a lieu à Genève ou dans les autres cantons suisses (hormis Vaud, Valais, Neuchâtel, Jura, Berne, Bâle-Ville, Bâle-Campagne ou Soleure) 
  • Si l’employé frontalier ne délivre pas l’attestation de résidence fiscale à son employeur dans les cantons suivants : Vaud, Valais, Neuchâtel, Jura, Berne, Bâle-Ville, Bâle-Campagne ou Soleure 
  • S’il ne rentre pas à son domicile en France en moyenne quatre nuits par semaine pour un plein temps 

En cas de questions, n’hésitez pas à contacter notre équipe juridique. 

Vous pouvez également nous contacter au +41 58 307 00 00 ou via notre formulaire de contact.

Sandrine Debétaz
Administratrice
Associée
Emanuelle Brulhart
Directrice juridique
Titulaire du brevet d’avocat

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